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C’est un véritable poème vivant musical que cette invitation au voyage dans les méandres de la mémoire collective et intimiste, proposée par Marie-Ann Trân et Cédric BONFILS.

Le collectif et l’intime ne sont-ils pas étroitement liés. Ce sont une infinité de petites vagues qui forment la mer. Une vague en entraîne une autre et ainsi de suite… Celle qui a poussé la famille de Marie Ann Trân à quitter le Vietnam en 1959, l’a transportée en France avec seulement deux valises remplies de quelques reliques.

Les parents de Marie Ann Trân ne lui ont pas raconté leur histoire. Les blessures de l’exil, ils les gardaient pour eux, ils ne pouvaient pas les évoquer, ils ne voulaient sûrement pas les transmettre à leurs enfants.

Marie Ann et son frère François, nés en France ont vécu ces non-dits dans la solitude et dans l’angoisse. François s’est mis à délirer, développant une maladie mentale. Sous la façade du tout aller bien, il y avait donc quelque chose qui cloche qui venait d’ailleurs.

Cet ailleurs, il est enfoui dans toute âme, il est confus, composite, il peut rassembler des souvenirs aussi bien heureux que malheureux, il peut être très lourd comme ce drame de l’exil qui empêchait les parents de Marie Ann de parler.

Marie Ann s’est dit que la petite vague pouvait se mettre à causer, à chanter, à faire de la musique, l’entraîner autrement dans ce tourbillon de mémoire confus pour atteindre ses proches, ses amis doucement, sans les bousculer et réunir leurs émotions.

Des personnes dont les parents étaient étiquetés indigènes, au vingtième siècle par les colons, côtoient aujourd’hui des Français dont beaucoup ont oublié l’histoire de la colonisation.

Cette histoire nous concerne tous que nous soyons français de souche ou français naturalisés. Marie Ann élargit même son propos en s’adressant à tous les migrants, tous les exilés souvent malgré eux.

La salle était comble au Centre Culturel ARAGON TRIOLET d’Orly pour assister au spectacle. Marie-Ann Trân est vietnamienne d’origine mais elle est aussi française de cœur. Elle chante des tubes de Tino Rossi avec une fraicheur désarmante.

La metteure en scène Anne BARLIND avec beaucoup de doigté soulève quelques trames de cette mémoire collective et intimiste en laissant miroiter, flotter quelques images issues d’archives, quelques motifs vietnamiens du dragon, sur des grand panneaux de paravents dont on imagine le tissu aussi léger et souple que des ailes de papillons.

Le compositeur et musicien Singhkéo PANYA est excellent et le comédien Boun SY LUANGPHINITH apporte sa note de fantaisie et de gaîté.

Marie Ann Trân, telle une fileuse de conte, déroule avec grâce sa petite pelote d’histoire qui trouve la force de rejoindre bien d’autres histoires, les vôtres, les nôtres, réussissant à faire vibrer leurs nombreux fils, sans pathos, avec pudeur, avec cœur !

Nous disons bravo à toute l’équipe de ce spectacle véritablement tendre et heureux !

Paris, le 15 Janvier 2017

Mis à jour le 13 Mars 2017

Evelyn Trân

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